samedi 14 avril 2012

Indiens de Louisiane

Photo prise dans la salle des fêtes de Vermilionville
On parle peu des Indiens en Amérique du nord. Si on ne s'intéresse pas à eux, il est très facile de ne pas les rencontrer. Ainsi, on reste sur des idées reçues qui les réduisent à des assistés dans les réserves par exemple. Pourtant, ils sont aussi enviés pour leurs casinos et les millions qu'ils génèrent. Mais qui sont les Indiens de Louisiane ? Et quelle est leur histoire ?


L'histoire :
Il y a 10 000 ans, les Indiens chassaient les mammouths, les paresseux géants et autres animaux de la région. Vers 1000 a.v. J.C., ils construisaient près des villages des monticules de terres dédiés aux funérailles et à la pratique religieuse. Plus tard, en complément de la chasse, de la pêche et de la cuillette, ils cultivaient le maïs, les haricots, les courges et autres citrouilles, les melons, les tournesols, le tabac et les patates douces. Les crustacés et poissons étaient au menu tous les jours pour les tribus qui vivaient sur la côte.
Avant l'arrivée des colons, les Indiens de nombreuses tribus se rassemblaient plusieurs fois par an sur un lieu sacré (pour fêter l'Equinoxe), économique (pour échanger des marchandises venues de toute l'Amérique du Nord) et social (trouver un mari !) Ce lieu s'appelle Poverty Point (au nord de la Louisiane, à côté du Mississippi). Pour en savoir plus, cliquez ici et (vidéo)

Le moyen de déplacement le plus courant pour les Indiens était la pirogue, un canoé pouvant transporter 2 à 3 personnes. Il suffisait de couper un "cipre" (bald cipres) en deux et de creuser l'intérieur. Le feu et des outils facilitaient la tache. Quand les Acadiens sont arrivés sur le territoire, les Indiens leur ont montré cette technique (ainsi que celle du bousillage de leurs cabanes en latanier : cf. article précédent).

Religion :  là je sèche mais beaucoup sont devenus chrétiens, avec l'influence des Français, Espagnols et Cadiens.

Exemples de mots indiens utilisés en Louisiane : chaoui (raton-laveur), Atchafalaya (longue rivière), bayou (rivière qui coule lentement). Mais ils parlent surtout français depuis la colonisation européenne. Encore aujourd'hui, beaucoup d'Indiens en Louisiane sont plus à l'aise en français qu'en anglais car ils s'entendaient presque tous avec les colons français. Cette langue a été transmise oralement de génération en génération.

Artisanat : l'art de la vannerie mais aussi de belles poteries.

Cuisine : le filé (feuilles de sassafras en poudre utilisées pour épaissir les soupes), le macque choux (maïs à l'étuvée).


En septembre 2011, au musée d'histoire vivante de Lafayette - Vermilionville - a eu lieu une journée de rencontre et de partage des cultures indiennes de Louisiane. C'était une extraordinaire opportunité de discuter (en français comme en anglais) avec d'authentiques Indiens et d'en apprendre plus sur leurs modes de vie !


Un chef de tribu. Il parle français comme vous et moi !
Parmi les invitées : Houmas, Chitimacha, Coushatta, et bien d'autres. Notamment la communauté de l'Isle de Jean Charles, commencée par un français marié avec une indienne. Il a été déshérité pour ça et a dû s'installer dans l'Isle. Pratiquement tous ses enfants ont épousé des indiens. Entre le 19ème et le 20ème, la communauté est passée de 4 familles à 77 personnes.
Le rôle de leur chef indien aujourd'hui : il est propriétaire d'une épicerie, s'occupe du courrier, arbitre les malentendus, représente son peuple à l'extérieur de la communauté et rassemble ses administrés pour des travaux utiles au village. Chaque chef nomme son sucesseur (souvent au sein de sa famille).

Continuer la lutte pacifique :
Triste réalité ; après l'achat de la Louisiane par les Américains (1803), les tribus ont perdu la plupart de leurs terres. Depuis l'arrivée des colons, ils ont été forcés de s'installer de plus en plus au sud, jusqu'à atteindre la côte ! Les Houmas sont les Indiens les mieux connus en Louisiane et une des seules tribus reconnues officiellement par l'Etat de Louisiane (depuis 1979 seulement !). Oui, vous avez bien compris, certaines communautés ne sont même pas reconnues en tant que telles par les Etats-Unis, certainement parce que le gouvernement devrait alors payer des pensions (si vous avez du sang Indien vous pouvez prétendre à une indemnité)... Depuis 1803, ne pas réclamer son identité indienne  a permis à beaucoup d'Indiens d'éviter la déportation dans les réserves de l'Oklahoma. Aujourd'hui, de nombreuses tribus de Louisiane se battent pour la reconnaissance de leur identité.


A Vermilionville, on a appris que l'éducation en Louisiane ne coulait pas de source pour les Indiens, comme pour les personnes de couleur d'ailleurs. Impossible pour les petits Indiens de fréquenter une école publique de blancs avant 1964-67 ! Un des chefs nous a dit que le chauffeur du bus scolaire ne voulait pas de lui et le fichait dehors. On ne mélangait pas les races (terme utilisé en Amérique sans que ce soit péjoratif semble-t-il)... Jusqu'en 1975, comme les petits Cadiens, ils étaient punis quand ils parlaient français à l'école. C'était pourtant la seule langue qu'ils connaissaient !

On a assisté à des ateliers artistiques mais on a aussi pu bricoler :
Une perceuse sans éléctricité !
Aujourd'hui et demain :
Bref, les Indiens de Louisiane vivent encore maintemant de façon isolée, sans assurance santé, sur des bandes de terres côtières menacées de disparaitre. L'érosion des sols est en effet très importante à cause des digues sur les bayous depuis les années 1930 (pour contrôler les inondations). En fait l'équivalent du territoire de Manhattan disparaît chaque année. Ça représente 12 000 hectares par an !
Les compagnies pétrolières (30% du pétrole américain vient de Louisiane) défigurent et fragilisent les marais. Ils creusent des canaux sans les reboucher alors que c'est la loi. La dernière marée noire a fait des ravages sur la nature et sur la santé et le métier de pêcheurs des Indiens notamment. Que leur reste-t-il donc, oú aller et quelle reconversion imaginer ?

Pour en savoir plus sur Vermilionville cliquez ici.
Le témoignage du Bougre du bayou
Pour voir des photos d'un PowWow (prononcez "Pa Waw") ; un rassemblement de tribus d'Amérique du nord, cliquez ici.

Si vous êtes Indien de Louisiane ou connaissez cette culture, vos apports sont bienvenus dans les commentaires. Merci d'avance.

La semaine prochaine on s'intéressera aux fabuleux costumes des Mardi Gras Indians. Patience...

10 commentaires:

  1. J'aimerais savoir ce qu'apprennent les écoliers américains sur l'histoire des Etats Unis, est- ce que les indiens sont évoqués avec les traités souvent non respectés par les blancs, les massacres des populations ...? et est-ce que l'esclavage des noirs est écrite dans les manuels ? Que leur enseignent les maîtres et à quelle date commence l'histoire pour eux ?

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  2. Oui les indiens d'Amérique sont étudiés par les écoliers puisque c'est Roland qui m'a parlé des traités non respectés par exemple. Il enseigne en 5ème grade, l'équivalent du CM2, et son livre d'histoire commence au moment oú les indiens sont arrivés sur le continent américain. Parler de l'esclavage devient de moins en moins tabou dans les Etats du Sud également car les guides en parlent dans quelques plantations, à Vermilionville, etc.

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  3. C'est marrant de se dire que ces indiens si loin de chez nous parlent français! Très intéressant en tout cas ton article. Vous aurez vraiment fait de chouettes rencontres pendant ces deux années! Des bises

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  4. Pour préciser quelques petites choses qui sont dans le programme d'histoire de ma classe:les indiens qui construisent des monts sont connus sous le nom de Mont Builders. Une importante littérature existe à leur sujet sur internet.
    Un petit détail technique aussi : Une pirogue est faite entièrement en bois. Un canoé a une armature en bois mais le reste est constitué de peaux de bêtes. L'usage de l'un ou de l'autre dépendait de l'environnement des différentes tribus.
    Dernier chose qui est un ajout : Il me semble que tout a été fait pour faire passer les indiens pour des sauvages, sans aucun lien avec le mot civilisation. Et bien sachez que la ville de Saint Louis au confluent du Missouri et du Mississipi serait l'emplacement d'une ancienne ville indienne de 70 000 habitants avec une bibliothèque très importante car ces indiens écrivaient. Malheureusement, les colons européens ont tout brûlé sauf un livre qui est aujourd'hui le témoin de cette civilisation. Il est toujours plus facile de faire disparaître une population reléguée au rang de barbares...
    Roland

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    1. Ma-gni-fique ces costumes, bravo et merci de nous faire partager tout ça!

      Ecoeurant en revanche l'injustice subie depuis des générations...

      Antoine

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  5. Passionnant!
    Merci à vous pour cette belle parenthèse culturelle et historique.
    Bea

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  6. Beaucoup d'Amérindiens ne se cantonnent pas aux réserves et vivent en ville. De nombreuses personnes d'ascendance autochtone vivent en Louisiane et j'en fais partie. La population de la Louisiane créole est très matriarcale en termes d'ascendance et de culture. Cette influence se traduit dans les aliments, la langue, et même la musique. Par exemple, les appels qu'on entend dans la musique zydeco comme «Eh toi! » tiennent leur origine de la musique des tribus de Louisiane.
    La perception physique que les gens ont des Américains autochtones est fortement influencée par la télévision et les films, et les populations tribales représentées dans les films sont souvent issues de tribus du Sud-Ouest, tels que les Hopis, Navajo, Zuni, Acoma, et Apache ou tribus des plaines, comme les Lakotas (il existe en tout plus de 500 tribus autochtones en Amérique du nord.)

    Beaucoup de natifs qui vivent actuellement aux États-Unis sont également appelés «Mexicains». Les immigrés aux États-Unis en provenance du Mexique sont les peuples autochtones, et la frontière entre les deux pays correspond à l'héritage du colonialisme, et ne reflète pas une division naturelle entre les cultures. Par exemple, les cultures de certaines tribus de Louisiane sont étroitement liées à des tribus au sud de la «frontière» avec le Mexique.

    Les tribus de Louisiane en relation avec le gouvernement des États-Unis jouissent de certains privilèges par le biais des traités tels que la sécurité sociale, les casinos, la liberté de certaines formes de fiscalité, etc. De telles tribus comprennent les Chitimacha, Coushatta, Iéna, etc. D'autres tribus, tels que les Adais ou Houmas sont seulement reconnus par l'État et non les Etats-Unis. Il s'agit d'une question complexe. Toutes ces tribus devraient avoir le même statut.

    Je vous renvoie au travail d'Andrew Jolivette sur le sujet, en particulier son livre intitulé "la Louisiane Créole ", en anglais. Andrew enseigne à l'Université de San Francisco. En anglais toujours, je recommande la lecture de : " Do All Indians Live in Tipis?" : Questions and Answers from the National Museum of the American Indian.
    Un livre traduit en français qui se déroule sur les terres à l'ouest de la Louisiane : " Enterre mon coeur à Wounded Knee . Une histoire américaine (1860-1890) " de Dee Brown.
    De la poésie avec ces auteurs : Sherwin Bitsui; Maurice Kenney; Allison Hedge Coke; Erika Wurth; Sherman Alexie; Laylie Longsoldier; et mon préféré : Joy Harjo.
    Des romans : de Sherman Alexie : "Lone ranger and Tonto Fistfight in Heaven" (un super film intitulé "Smoke Signals" l'a adapté au cinéma en 1998) ; de James Welch "La mort de Jim Loney" ou encore un des romans les plus importants écrit par un Amérindiens : " Cérémonie ", de Leslie Marmon Silko.

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  7. En romans j'ai beaucoup aimé "Le Premier qui pleure a perdu" de Sherman Alexie et un roman allemand pour ados intitulé "Lune Indienne" de Antje Babendererde.

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  8. Je recommande aussi aux professeurs cette série de téléfilms de la chaine PBS, en anglais "We Shall Remain". Très intéressante et gratuite d'accès. Je connais des acteurs qui jouent dedans : http://www.pbs.org/wgbh/amex/weshallremain/

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    1. J'ai vu la série de film "500 Nations : Histoire des Indiens d’Amérique du Nord" présentée par Kevin Costner. Très instructif, avec des reconstitutions époustouflantes !

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