vendredi 30 mars 2012

Un village acadien et créole : Vermilionville


On reprend cette semaine la découverte des sites à visiter dans notre belle paroisse, au cœur de la région (a)cadienne. Je connais bien Vermilionville puisque j'y travaille en tant que guide. Grâce à l'équipe, j'ai exploré l'histoire des acadiens/cadiens et de la Louisiane. Suivez le guide !

Vous m'aviez reconnue ?!
Le but de cet article est de vous donner des repères et envie d'en savoir plus. Ce n'est pas un cours magistral, ok !

Tout d'abord Vermilionville c'est un éco-musée où travaillent des artisans pour reconstituer la vie quotidienne des acadiens arrivés en Louisiane entre 1755 et 1785. Mais on parle aussi des Indiens, des esclaves, des gens de couleur libres et des Créoles vivant au même endroit et à la même époque ; il y a 200 ans.

Vermilionville c'est aussi le premier nom de la ville de Lafayette. Le bayou (mot indien signifiant rivière coulant lentement) Vermilion traverse Lafayette et passe tout près des maisons de notre musée en plein air. D'ailleurs, comme à l'époque, toutes les maisons font face à l'eau. En effet, le bayou était l'équivalent de la route de l'époque. Et quoi de plus pratique que d'habiter en face du bayou ?! Chacun avait un bateau ou pirogue et circulait sur le bayou pour pêcher, chasser, aller à l'école, etc. Aujourd'hui on peut faire des balades en canoé sur le Vermilion :





Pour les non-sportifs il y a le bateau à moteur :




Petit rappel sur l'histoire des Cadiens : ils étaient tout d'abord des français originaires principalement du Poitou mais aussi de Normandie ou de Bretagne. Aidés par les Indiens Micmacs, ils se sont installés à partir de 1604 en Nouvelle France ou Acadie (aujourd'hui au Canada -Nouveau Brunswick, Nouvelle Écosse- et le nord du Maine). La France et l’Angleterre se sont déchirées pendant des années pour ses territoires du nouveau monde. En 1713 est signé le traité d'Utrecht : l'Angleterre obtient le territoire de la Nouvelle Écosse. Après une période de tolérance de la part des Anglais, ils décident en 1755 de mettre en œuvre le Grand Dérangement : la déportation de 10 000 Acadiens. Les maris et femmes sont séparés. Les biens confisqués. Ils sont envoyés dans les 13 colonies de Nouvelle Angleterre. Beaucoup périssent dans les bateaux insalubres ou meurent de faim dans les colonies qui ne les accueillent pas bien. Certains rentrent en France, d'autres vont en Haïti. D'autres encore se retrouvent en Louisiane. En effet, le gouvernement espagnol (depuis le traité de Paris de 1763 et jusqu'en 1800) leur donnent des terres et des outils et les Acadiens s'installent soit près des bayous et marais soit dans les prairies (autour de Lafayette). Au début du 19ème siècle, entre 3000 et 4000 Acadiens s'étaient installés en Louisiane. Ils recréent leur communauté francophone parmi les Créoles. S'emploient comme fermiers, bucherons, pêcheurs, trappeurs. Une minorité deviendront propriétaires de plantations.


Carte des mouvements de migrations des Acadiens avec le Grand Dérangement
On a commencé a appeler les Acadiens "Cadiens" à la Guerre de Secession. Les "Yankees" qui brulaient les fermes ont raccourci leur nom. C'est devenus un terme péjoratif pour certains, désignant une population illéttrée et pauvre. Depuis, les Acadiens qui sont devenus avocats ou riches commerçants se disent américains et non Cadiens. Les américains ne sachant prononcer le "d" de Cadiens finissent par les appeler "Cajuns".


La plupart des maisons de Vermilionville ont été données par des particuliers. Elles proviennent de familles riches qui avaient des plantations et des ranchs (vacherie en cadien). Cependant, la majorité des maisons acadiennes de l'époque n'avaient qu'une pièce. En effet, la cuisine et les toilettes étaient toujours séparées.

Exemple de cuisine :


Il y avait deux causes de mortalité chez les femmes : la première c'est la mise au monde d'un enfant. La deuxième c'est de prendre feu. Avec les grandes robes qu'elles avaient et le travail près de la cheminée, on pouvait vite s'enflammer et brûler toute la maison. C'est pourquoi les cuisines étaient séparées de l'habitation principale. La chaleur et les odeurs constituent d'autres raisons pour justifier cette séparation.

Les maisons étaient aussi très isolées les unes des autres, 1-2 km environ. Voici une maison typique du sud de la Louisiane : surélevée, en bousillage et bois de cypre, avec les escaliers qui mènent à la garçonnière.


Le bousillage est la mixture faite de boue et de barbe espagnole. C'est le même principe que le pisé dans la Dombes par exemple. Le mur est en colombage et on applique le bousillage entre les poteaux de bois, comme isolation. Tous les matériaux se trouvaient sur place, c'est pratique !

Voici à quoi ressemble la barbe espagnole :


La barbe espagnole (mot inspiré par les conquistadors) est cette plante qui pend aux branches des arbres et buissons en Louisiane. Ce n'est pas un parasite et ça ne fait pas de racines. Ça vit de l'air et de l'humidité. On peut facilement l'enlever de l'arbre afin de l'utiliser pour le bousillage mais aussi pour rembourrer les matelas, les coussins, ... Chevrolet s'en servait un moment pour les sièges de ses automobiles.

La garçonnière désigne le lieu où dormaient les garçons à partir de 12-13 ans (l'âge adulte à l'époque). Comme les escaliers sont à l'extérieur, ils pouvaient aller et venir à leur guise alors que les filles aînées, elles, avaient leur chambre au bout de celle des parents. Pas d'escapades pour elles !

Voici une cabane indienne. Elle est faite en roseau, bousillage et latanier (couverture du toit). Elle pouvait abriter toute une famille.


Les indiens ont beaucoup aidé les acadiens à leur arrivée en Louisiane. Ils ont notamment montré la technique du bousillage et partagé bien d'autres connaissances nécessaires à la survie dans ce nouvel environnement, si différent de l'Acadie.

Four extérieur indien, en bousillage.
On continue avec l'école : pour en savoir plus cliquez ici et chercher cette phrase : " Ce programme d'immersion existe grâce au CODOFIL..."

J'aime bien jouer à la maîtresse !
La forge :



Le seul endroit où on faisait faire des outils. Le forgeron fabriquait des clous et outils pour la construction ou le travail des champs. Souvent au centre du village, les gens venaient y faire leur commande le dimanche avant l'église. L'occasion idéale pour raconter les derniers ragots !

L'église catholique :


Avant l'achat de la Louisiane par les américains, en 1803, la seule religion légale en Louisiane était le catholicisme. Les premiers colons français mais aussi les espagnols et les acadiens étaient catholiques. Les propriétaires d'esclaves avaient l'obligation de leur donner une éducation religieuse catholique (à défaut d'une éducation tout court). Quand les américains ont commencé à s'installer en Louisiane, il y a eu un choc des cultures. Pour se démarquer d'eux les personnes nées en Louisiane étaient appelés Créoles, quels que soient leur statut social et leur couleur de peau. Aujourd'hui, le mot Créole a évolué et désigne plutôt les personnes de couleur nées en Louisiane. Le Créole c'est aussi une langue, une cuisine, très liée à la ville de la Nouvelle Orléans.

Je vous présente les artisans qui montrent les savoir-faire de l'époque, ici c'est le filage du coton avec Brenda :


Jules et son accordéon :


Greg en train de fabriquer un filet de pêche :


Cliff, qui sculpte le bois :


En bref il faut retenir que la Louisiane a accueilli sur son sol des gens de toutes origines (Indiens, Français, espagnols, acadiens, africains mais aussi allemands, etc). Ils ont su s'adapter à son climat et ses richesses. Il y a 200 ans on faisait soi-même ses vêtements, ses bougies, ses légumes et tout un tas d'autres produits qu'on achète aujourd'hui au supermarché.

Si vous venez à Vermilionville sachez qu'il y a un restaurant ouvert pour le déjeuner. Ne ratez pas les concerts du dimanche ; surtout des têtes blanches mais quelle pêche ! Les santiags et chapeaux de cow-boys sont au rendez-vous et certains messieurs parlent français et veulent vous ramener chez vous... Il y a aussi un boeuf tous les samedis. Ils organisent aussi des journées spéciales où ils invitent soit les tribus indiennes de Louisiane, soit des associations environnementales et suivent les fêtes (Toussaint, Noel, Mardi Gras, etc).

Si vous avez envie d'en savoir plus sur un sujet, vous avez trois possibilités :
1) faire un commentaire et poser votre question. J'essaierai d'y répondre du mieux que je peux
2) chercher les infos sur Internet ou dans votre bibliothèque municipale
3) visiter Vermilionville et découvrez par vous-même la Louisiane.

On se retrouve bientôt pour plus d'infos sur les Indiens de Louisiane !

5 commentaires:

  1. Passionnant!!
    Merci encore Karine, ça donne vraiment envie d'en savoir plus.
    Tu devrais rejoindre les réseaux des Storytellers, tu as un don pour raconter!
    Bea

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  2. Bravo: il y a une cohérence totale entre ce que tu as écrit et ce que nous avons entendu! Je suis assez fière de voir que tu as sélectionné certaines de mes photos pour illustrer ton article.merci et bises à tous les deux. J'espère que la semaine à Savannah sera extraordinaire.

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  3. Merci pour ces compliments ! Je ne sais pas exactement ce que font les storytellers (à part raconter des histoires) mais je compte sur toi Béa pour m'éclairer à mon retour en France.
    Nous sommes à Savannah et c'est un petite ville magnifique !

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  4. Denis et M-France8 avril 2012 à 11:36

    Avec un tel guide c'est une invitation à rester en Louisiane! l'histoire des civilisations n'est qu'un grand chambardement.
    Cela nous a fait plaisir de revoir ces lieux que nous avons visités. Denis et M-France

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  5. Merci pour ce dépaysement et cette leçon d'histoire! Super costume Karine, ça change de ta tenue de lumière spéciale salsa! (lol) Ca tombe bien pour toi qui adores te déguiser, n'est ce pas!
    On vous embrasse!

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